L’histoire du “bon goût” : les dessous de l’esthétique, des époques et des tendances
Théorie et histoire du bon goût
Pour comprendre l’art du “bon goût”, il est important de revenir à son essence au 18ème siècle - siècle des Lumières - mouvement philosophique, littéraire et culturel bourgeois en Europe. La théorie classique du goût, ou théorie esthétique classique, trouve ses fondements dans les idées développées par des philosophes comme Emmanuel Kant et David Hume. Cette théorie cherche à expliquer la nature du jugement esthétique, c'est-à-dire comment et pourquoi nous percevons certaines choses comme belles ou agréables.
Ces recherches mettent en avant que le jugement esthétique peut être soit subjectif - il émane de l'expérience individuelle et des sensibilités personnelles, tout en étant universel; soit désintéressé - il s’agit de l’appréciation de l’objet pour lui-même, sans considération pour son utilité ou son impact pratique; soit principes implicites - ils guident l’appréciation du beau par l’évaluation de l’harmonie, des proportions, des formes, sans être des règles universelles. Ces théories, et bien d’autres, ont apporté une contribution à notre compréhension de l'esthétique; elles ne sont cependant pas restées sans critiques. Autant de théories que d’évaluations où la diversité des jugements évoluent à travers les cultures et les époques.
Des “règles” de Rousseau jusqu’au less is more
Pour Jean-Jacques Rousseau, philosophe et écrivain du 18ème siècle, le concept de "bon goût" est revu selon le spectre de la société et de l’éducation, notamment à travers son ouvrage "Émile, ou De l'éducation”. Rousseau indique que définir l'esthétique passe par différents critères tels que les aspects naturels et authentiques - dénués de sophistication artificielle; les aspects simplistes et harmonieux - bonnes proportions, harmonie des formes et couleurs, clarté des lignes, sans ornements inutiles. Rousseau pousse l’exploration plus loin, sous un aspect plus philosophique, en liant les appréciations du beau à l’éducation que l’on a pu recevoir. Il critiquera, à son époque, la dégénérescence du goût dans la société urbaine, où l'artifice et la vanité prévalent sur la simplicité et la vérité. Au 20ème siècle, Ludwig Mies Van der Rohe, architecte et designer ayant œuvré post seconde guerre mondiale et participant au mouvement Bauhaus, revisite le concept de Rousseau pour obtenir un minimaliste presque radical, notamment à travers sa célèbre phrase “Less is more” - “Moins, c’est plus”. Il définit sa vision de l’esthétique à travers : l’élégante simplicité, l’utilité fonctionnelle, l’harmonie équilibrée, l’essentiel maximal. Une question de contrastes subtils et d’équilibre. Le moins pour le plus, le plus pour le moins : qu’en est-il de ces théories appliquées à notre époque et au monde de la mode ?
Esthétique et code vestimentaire
Des Lumières aux designers du 20ème siècle, la mode s’empare des théories et des analyses pour s’inspirer, revisiter ou briser les codes d’une esthétique qui se veut à mi-chemin entre tradition et modernité. Les règles du bon goût continuent d’évoluer au fil des sociétés, des cultures et surtout des années : l’art sartorial en est également le témoin. Cependant, certaines d’entre elles restent de mise pour devenir des règles d’usage :
Qu’en dit Anna Wintour ?
Figure emblématique de l'industrie de la mode, célèbre pour son rôle de rédactrice en chef de Vogue depuis 1988, Anna Wintour donne le ton des collections des diverses maisons et créateurs de mode, de la haute couture au prêt-à-porter, tout en prêtant attention aux influences culturelles et sociales. Il semblerait qu’elle aime la sophistication classique et l’audace contemporaine. Un goût pour de subtils mélanges de la tradition plus appuyée de la maison Vuitton, accompagné du classicisme féminin de Dior, la déconstruction parfois exagérée de Westwood ou encore l’évolution du minimalisme de la maison Céline, sous l’incontournable objectif d’Hedi Slimane. Wintour met le curseur sur les détails, les coupes et les textures qui captent l'attention. Le less is more reste toutefois de mise où il est toujours question de contraste, d’équilibre et bien souvent, d’une affaire de goût.
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